Qu’importe son âge, peu importe l’année, Paul est entré dans le grand âge, sur cette route où il faut affronter le poids du déclin physique, les prémisses de la dépendance, et aussi, l’anonymat de la capitale. Alors, impérativement, il faut se souvenir de Paul, comme des milliers de nos ainés, qui méritent que la lumière se porte sur eux, que nous allions à leur rencontre.
Il y a tant de choses à dire sur cet homme, épris de liberté et d’indépendance. Peut-être, révéler sa culture, sa soif de connaissance pour l’histoire en grand. A l’heure de l’essor de l’information digitale, la bibliothèque de son petit appartement parisien recueillait des milliers d’ouvrages. Il s’y plongeait avec délectation. Pour Paul, le plaisir était dans les romans, les essais historiques ou à arpenter le château de Versailles. Il était incollable sur le récit des rois de France. Son œil pétillait à l’évocation de l’Égypte ancienne. Peut-être, parler de sa gourmandise. Comme lui, vous trouveriez le sourire face à la dégustation d’un café liégeois de son cher dix-septième arrondissement. Un temps simple, suspendu, vers le bonheur
Enfin, évoquer Claire, sa nièce, qui fut son accompagnatrice dans le grand âge. Paul était son parrain, l’oncle sur lequel on se retourne avec admiration, qui sert de point de repère dans l’appréhension de la vie. Alors, comme une évidence, Claire fut son aidante familiale. Sans enfant, Paul trouvera en Claire l’accompagnatrice bienveillante et vigilante qui deviendra à son tour le point de repère de Paul. Au fil de l’emprise du temps, Claire fit appel au service d’Alain, pour l’aider dans cet accompagnement. Le duo devint un trio, épaulé aussi par Samira, l’aide à domicile, qui effectuera un travail remarquable auprès de Paul.
Nous trois ou rien
Alain, avait une place à part auprès de Paul. Il serait celui qui tisserait le lien social, qui deviendrait un compagnon d’amitié. Ici, pas une évidence, mais une relation qui se fonderait au fil de l’eau. Il fallait du temps, de l’engagement et de la confiance. Bientôt, Alain viendrait un soir par semaine partager un diner avec le « copain » Paul. Un moment que l’ainé attendait avec impatience, comme les retrouvailles avec un compagnon de route. Pour une fois, il n’était pas uniquement question de soins, d’aide physique ou pratique, il s’agissait d’être tout simplement d’être dans la vie, en toute liberté. Peu à peu, les rendez-vous prenaient différentes formes. De l’ordinaire pour Paul, déguster une glace à une terrasse parisienne, au plus extraordinaire, aller à l’opéra pour la première fois. Il arrivait même à Alain d’accompagner Paul pour certains rendez-vous médicaux. Pour Claire, c’était un soulagement de trouver en Alain une figure masculine. Sans cesse, Ils échangeaient pour permettre à Paul d’être accompagné le mieux possible, de garder son autonomie le plus longtemps possible.
Alain deviendra une figure primordiale pour Claire dans l’accompagnement de son oncle. Ensemble, sans nier les désaccords ou les problématiques liés à la fin de vie, ils formèrent une belle alliance pour un enjeu fondamental, le cœur de notre humanité. Au point que, Alain y puisera sa motivation et son engagement pour Mamie Lucette. Aujourd’hui, il s’agit d’agir pour que, en France, des milliers de nos ainés, à l’instar de Paul, en situation d’isolement ou de dépendance, trouvent aussi leurs belles alliances.